Toronto Star : Pourquoi Gaza est importante pour tous les Canadiens lors des élections fédérales

8 avril 2025

Toronto Star : Pourquoi Gaza est importante pour tous les Canadiens lors des élections fédérales

Publications originales : Le Toronto Star

7 avril 2025

Par Khaled Al-Qazzaz, contributeur

Khaled Al-Qazzaz est le directeur exécutif du Conseil canadien des affaires publiques musulmanes.

À l'approche des élections fédérales, les Canadiens ont beaucoup parlé des enjeux clés qui ont marqué la campagne : l'accessibilité financière, la sécurité nationale, le commerce et les relations internationales. Mais un enjeu est commun à tous : Gaza.

À première vue, de nombreux Canadiens pourraient considérer Gaza comme un enjeu étranger, loin de leur quotidien. Mais ce n'est pas le cas. Les principes en jeu à Gaza – le respect du droit international, des droits de la personne et de l'ordre fondé sur des règles – sont les mêmes que ceux qui protègent le Canada en matière de commerce, de sécurité et de politique étrangère.

Le Canada existe et prospère dans un monde où le droit international est respecté. Nos relations commerciales, notre sécurité nationale et notre stabilité économique reposent sur un ordre fondé sur des règles où les petits pays ne sont pas marginalisés par les caprices des puissants.

C'est précisément pourquoi le président américain Donald Trump est perçu comme une menace pour le Canada. Son mépris des accords commerciaux, des alliances et des normes mondiales met en péril les industries, les emplois et la souveraineté du Canada. La même logique s'applique à Gaza. Si nous permettons à des nations puissantes de violer le droit international en toute impunité, nous affaiblissons le système même qui protège les intérêts du Canada.

Gaza ne se résume pas aux droits de la personne : c’est un test décisif pour savoir si les règles ont encore de l’importance en politique internationale. Si nous laissons passer les violations du droit international là-bas, qu’est-ce qui empêche que cela se reproduise ailleurs ? Lorsque Trump bafoue les règles commerciales pour imposer des tarifs douaniers au Canada, nous le dénonçons, car nous savons que cela menace notre économie. Le même principe s’applique à Gaza : ignorer ces violations aujourd’hui ne fait qu’encourager un mépris accru des règles demain.

Depuis le 7 octobre, les musulmans et les Arabes canadiens en ressentent directement les conséquences : pertes d'emploi, inscription sur liste noire, arrestations et répression pour avoir défendu les droits des Palestiniens. Les Canadiens d'origine palestinienne se heurtent à des obstacles à l'immigration pour récupérer leurs proches, tandis que d'autres communautés reçoivent un soutien rapide. Face à la montée du racisme antipalestinien et de l'islamophobie, les dirigeants gouvernementaux restent silencieux.

Ce problème ne concerne pas seulement une communauté : l'érosion des droits, où qu'elle soit, constitue une menace pour les droits de tous. Réduire au silence les défenseurs palestiniens aujourd'hui crée un précédent qui pourrait demain toucher les militants syndicaux, les écologistes, les conservateurs sociaux ou quiconque remet en cause les politiques gouvernementales.

Les élections américaines ont déjà démontré le pouvoir des prises de position des électeurs. Dans le Michigan, les électeurs musulmans ont choqué l'establishment politique en refusant de soutenir une administration qui a permis le génocide à Gaza, même au risque du retour de Trump. Ce fut un choix difficile, mais il a imposé une prise de conscience politique.

Le système démocratique canadien est différent. Nous élisons un premier ministre qui, selon nous, est le mieux placé pour aborder les enjeux qui touchent notre pays. Mais nous élisons aussi des députés, circonscription par circonscription, ce qui donne aux électeurs le pouvoir de demander des comptes aux candidats. Nous devons également nous demander si le changement de chef libéral a créé une occasion de renouer le dialogue.

Les politiciens ne peuvent pas solliciter des votes tout en ignorant Gaza. Une approche fondée sur des principes et des enjeux précis nous permet d'élire un Parlement dont les représentants sont engagés envers la primauté du droit international et les droits de la personne, et envers la protection du Canada contre les menaces extérieures présentes et futures.

Depuis plus d'une décennie, la participation électorale des musulmans canadiens est en constante augmentation. La question n'est plus de savoir s'ils voteront, mais comment. Il ne s'agit pas de loyauté envers un parti, mais d'élire des candidats qui défendent les droits de la personne, les libertés civiles et la liberté d'expression, au pays comme à l'étranger. Pour cette élection, le Conseil canadien des affaires publiques musulmanes a lancé MuslimsVote.ca pour aider les électeurs à faire un choix éclairé et fondé sur des principes.

De plus en plus de Canadiens souhaitent un leadership qui respecte les droits de la personne, défend le droit international et protège le rôle du Canada dans un ordre mondial stable. Un récent sondage de Mainstreet Research révèle que 55 % des Canadiens (musulmans et non musulmans) sont favorables à une interdiction d'exportation d'armes vers Israël, 49 % sont favorables à son élargissement et 56 % sont favorables à l'exécution d'un mandat d'arrêt de la CPI contre Netanyahou. 

Et pourtant, les dirigeants politiques du Canada hésitent à aborder ce problème, malgré le soutien croissant du public en faveur de la responsabilisation.

Gaza n'est pas seulement une question étrangère. C'est un test pour nos valeurs, notre démocratie et notre place dans le monde. Et lors de cette élection, nous avons tous un choix à faire.

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